Le texte ci-dessous est un hommage à
Mongo Beti. C'est un post que j'avais fait le 7 octobre 2016. Il a été lu le
jour même devant la tombe de Mongo Beti dans son village (Akométam, situé à une
cinquantaine de km de Yaoundé) par les membres de la SAMBE (Société des Amis de
Mongo Beti) dont fait partie notre amie très engagée Bergeline Domou.
Le 07 octobre 2001 nous quittait
celui que je considère comme un maître, une référence, un éternel bagarreur,
qui menait un combat acharné contre la domination coloniale et néocoloniale en
Afrique; celui qui dénonçait sans cesse l’impérialisme français et la
complicité des pouvoirs africains, un illustre Africain, le grand MONGO BETI
(Alexandre Biyidi Awala, de son vrai nom).
L'économiste camerounais Célestin
Monga a dit de Mongo Beti qu'il forme avec Césaire et Cheikh Anta Diop, le trio
le plus adulé par la jeunesse africaine. Beti était cet Africain en lutte
contre tous les pouvoirs, blancs ou noirs, opposés aux intérêts des populations
africaines. De Paris, il avait créé sa célèbre revue bimestrielle, Peuples
noirs - Peuples africains, qu'il présentait comme "la première grande
publication noire francophone totalement indépendante non seulement des
gouvernements africains, mais aussi de tous les hommes, de toutes les
institutions, de tous les organismes derrière lesquels se dissimule
habituellement le néo-colonialisme de Paris : chefs d'État soi-disant
charismatiques, coopération, assistance technique, francophonie, etc."
Écrivain engagé et adepte de la
littérature de combat, il dénonçait les tenants de ce qu'il appelait "la
littérature rose", ceux-là qui chantaient la beauté des paysages africains
pendant que le colonisateur se livrait à l'oppression et au pillage des
ressources africaines. Sa plume était d'une verve éblouissante. Il avait
délibérément choisi la forme satirique : "je sais que je suis dur,
disait-il, mais quand on lutte contre des salopards... on ne peut pas être
laxiste".
Mongo Beti est pour moi l'exemple
type de l'intellectuel total. Il intervenait sur les sujets graves de l'heure :
pénurie du livre, collusions des intellectuels avec les tenants du pouvoir,
pillage des forêts africaines, etc. Son ouvrage Main basse sur le Cameroun
avait d'ailleurs été censuré à Paris (capitale des droits de l'homme,
paraît-il) et il n'est pas inutile de rappeler qu'à cette occasion, l'écrivain
Ferdinand Oyono, alors ambassadeur du Cameroun à Paris, avait participé à cette
opération de censure.
Mongo Beti se situait au delà des
ethnies, des religions et des appartenances qui enferment. Critiquant le régime
d'Ahidjo, certains prétendaient que c'est parce qu'il était opposé aux
"Gens du Nord". Critiquant le régime de Biya, on disait qu'il avait
déshonoré la tribu. Tous les prétextes étaient bons pour ne pas voir cette
seule réalité contre laquelle il s'insurgeait : le SYSTÈME. Lui, serein,
répondait d'ailleurs avec l'humour qu'on lui connaissait : "Sacrés
Camerounais définitivement englués dans le Moyen âge! Ne mènerons-nous donc
jamais d'autres batailles que tribales ? De bonnes âmes n'ont pas manqué de me
conseiller de mobiliser, de mon côté, des frères [...] pour élaborer une
offensive. Manque de pot, je ne mange pas de ce pain là..."
Dans les dix dernières années de sa
vie, il était retourné au pays où il vivait et où il avait fondé une librairie
très surveillée par le régime en place. Parcourant des centaines kilomètres, il
se rendait souvent dans son village pour cultiver des plantains et aider les
siens.
Il avait toute sa vie durant cultivé
la simplicité. Son épouse #OdileTobner nous parle d'ailleurs des
réactions des Camerounais sur cette modestie qui dérangeait : "Qu'est-ce
que c'est que ce type qui n'a même pas une maison au village? Qui se promène en
jeans? C'est rien du tout ». Un grand homme, pour le Camerounais moyen, c'est
quelqu'un qui est plein aux as, point final. Il n'y a pas d'autres choses. Or
Alexandre, lui, il a été l'exemple vivant de quelqu'un de très prestigieux qui
vivait très modestement et dont tout le prestige était moral. Et ça, c'est une
leçon pour les jeunes Camerounais."
Que l'âme de ce Grand Africain
repose en paix.
PS : Pour les Sénégalais, Mongo Beti
était très engagé contre la politique du président Senghor. Il a dédié
d'ailleurs à Blondin Diop, mort dans les geôles de ce dernier, son roman
"Remember Ruben" qui nous invite à nous souvenir du résistant Ruben
Um Nyobé, leader syndicaliste et fondateur de l’Union des Populations du
Cameroun (U.P.C.). Mongo Beti a préfacé également Le temps de Tamango, le
premier roman de l'ami Boubacar Boris Diop.
Dans sa célèbre revue créée 1979, Peuples Noirs-Peuples africains, il avait consacré un numéro spécial à Cheikh Anta Diop et dans lequel avait contribué le regretté Jean-Marc Éla.
Dans sa célèbre revue créée 1979, Peuples Noirs-Peuples africains, il avait consacré un numéro spécial à Cheikh Anta Diop et dans lequel avait contribué le regretté Jean-Marc Éla.